Les différents types de traumatismes : Comment les identifier ?

Après un traumatisme, comment retrouver le courage de vivre ? Même si cela prend du temps, nous pouvons guérir, notamment par un travail corporel et une solide alliance thérapeutique.

18 MARS 2024 · Lecture : min.
Les différents types de traumatismes : Comment les identifier ?

Un accident de voiture, l'annonce d'une maladie, le harcèlement scolaire, les violences familiales, et évidemment un viol, un attentat ou une guerre exposent la « victime » à une émotion intense qui submerge son psychisme.Il est hébété. Si son cerveau n'a pas eu la capacité de traiter la scène ni de déclencher une réaction adaptée, du fait de la soudaineté et du caractère inédit de l'événement, c'est le choc.

Il faut distinguer le trauma, le choc, du traumatisme, la représentation du choc, comme l'a expliqué Anna Freud. Parfois, la représentation fait plus mal que le coup. Et si la mémoire se fixe, c'est le syndrome de stress psychotraumatique. « Le passé ne passe pas » expose Boris Cyrulnik.

Nous sommes inégaux face aux traumas

Pierre Janet, psychiatre français, avait déjà constaté que les « traumatisés » reproduisent certaines actions, émotions et sensations liées au traumatisme, comme s'ils revivaient en permanence le trauma. Un même événement peut terrasser un individu alors qu'un autre va s'en sortir. La réaction dépend pour beaucoup de l'étayage socio-affectif. Lorsque l'attachement a été sécure, dans les premiers mois de la vie, la résilience est plus aisée. Pour Boris Cyrulnik, un bébé « sécure » va intégrer dans sa mémoire l'effet apaisant du lien qui le relie à ses parents. Il pourra s'en saisir dans les moments difficiles. Ceux qui n'ont pas pu construire ce type de lien sécure pourront toutefois le faire plus tard en s'appuyant sur des « tuteurs de résilience », des adultes qui joueront un rôle significatif dans leur vie.

Types de traumatismes

Les spécialistes distinguent aussi le traumatisme « simple » du traumatisme « complexe ». Le premier surgit après un choc unique, ponctuel. Ainsi, Etienne est un rescapé d'un accident de la route qui a coûté la vie à sa femme. Chaque nuit, il fait des cauchemars et tous les jours, revit la scène tragique dans ses moindres détails. Le second soumet la victime à une violence durable, chronique. C'est le cas d'Alice qui a été maltraitée et humiliée chaque jour par son père, avec la complicité de sa mère. Elle a aujourd'hui des troubles anxieux généralisés et des tendances suicidaires. Alice a été diagnostiquée border - line, sans doute en lien avec ces agressions à répétition.

Le mécanisme du trauma

Lors du choc, le cerveau reptilien rentre en action. L'amygdale, hyperactivée, active à son tour le système nerveux autonome ce qui augmente la fréquence cardiaque, l'attention, la vigilance afin soit de fuir, soit de lutter, soit de se replier pour sauver sa peau. C'est le mode survie. Le cortex préfrontal, qui nous permet de trouver des solutions, et le cortex associatif, qui nous permet de tisser des liens, ne fonctionnent plus vraiment. Enfin, les fonctions de mémorisation sont perturbées. En bref, c'est le système de défense archaïque qui agit et non pas le cerveau conscient.

  1. La dissociation : Face à un danger, la personne peut même se dissocier. Elle a le sentiment d'être coupée d'elle-même et de ses émotions. Des réactions corporelles se déclenchent automatiquement afin de la protéger. Elle sécrète des neurostransmetteurs dissociants dans le but de minimiser la charge émotionnelle. Je pense à Marion, patiente de 20 ans, agressée sexuellement qui a eu aussitôt la sensation de « quitter » son corps, de ne pas ressentir la douleur physique et morale. « J'étais anesthésiée » se confie-t-elle. Sa vie sexuelle est perturbée. Son corps envoie sans doute un signal au cerveau pour que ce dernier éteigne sa capacité de ressenti. Dans certains cas, la parole peut activer le trauma. Le thérapeute se doit d'écouter le patient et de ne jamais le forcer. Il s'agit d'abord de répondre à son besoin de sécurité grâce à l'alliance thérapeutique et même au transfert. C'est à partir de cette relation de confiance qu'il rejouera ses anciens patterns et se « réparera ». Nous pouvons intégrer dans un second temps des outils s'inspirant par exemple de l'EMDR, de l'ICV, de l' hypnose, des actings reichiens, de l'art-thérapie ou du somatodrame analytique.
  2. Le corps sait : Parfois, les traumatismes ne sont pas identifiés. La personne a « simplement » des symptômes. Elle ressent de la colère, de la détresse, de la fatigue, des troubles anxieux, alimentaires, du sommeil. Son corps, lui, sait ! Il est intéressant, dans ce cas, de « creuser » les symptômes, tout en se méfiant absolument des faux souvenirs ou des interprétations hâtives.Le mécanisme du trauma
  3. Des symptômes à retardement : Chez certains, les symptômes peuvent se déclencher des années plus tard, lorsqu'une situation, un lieu, une rencontre viennent rappeler l'évènement initial. C'est le cas de Pascal « secoué » par la grossesse, pourtant désirée, de sa femme. Il est venu me consulter parce qu'il avait subitement des crises d'asthme. Nous avons remonté sa « ligne de vie » et nous nous sommes attardés sur sa propre naissance. Plus tard, Pascal a pu dialoguer avec sa mère qui lui a raconté son accouchement difficile : son fils a failli être étouffé par le cordon ombilical et elle a pensé le perdre. Ensuite, fort de cette explication maternelle, lors d'une séance de thérapie de groupe, via le « somatodrame analytique », il a rejoué son drame. En effet, lorsque le traumatisme a eu lieu avant le langage, il est nécessaire de « passer » par le souvenir corporel pour le faire surgir. Lors d'une séance individuelle, ensuite, nous avons fait de du « reparentage ».
  4. L'évitement :  Claire, patiente de 40 ans, était au Bataclan. Elle se dit submergée par la peur et fuit les pensées en lien avec l'événement (évitement). Pourtant, la réalité la rattrape : elle est en proie à des cauchemars, des flash-backs (souvenirs intrusifs) et se sent sans cesse menacée, en état d'hypervigilance. Le moindre signe qui rappelle le drame (une détonation dans la rue, une personne qui court) déclenche chez elle la même détresse avec la même intensité. Par un protocole inspiré de l'EMDR (stimulations bilatérales alternées), je l'encourage doucement à revivre la scène : les bruits, les images, les odeurs, les sensations, les ressentis. Les traces du trauma sont retraitées par le cerveau et au fur et à mesure, perdent en intensité, sont mises à distance.

Enfin, David a été incesté par son oncle durant toute son enfance. Ce trauma complexe affecte son développement cognitif. Il souffre de perturbations de l'organisation de soi. Ses colères sont puissantes et ses peurs énormes. Il se dénigre sans cesse. Nous avons travaillé sur son sentiment de honte et de culpabilité et sur sa propension à se mettre inexorablement dans des situations de victime. Dans le déni, il a souvent raté des séances, tellement il était douloureux pour lui de s'exprimer sur le sujet. Son premier réflexe était la fuite. Ne plus y penser, s'isoler, a-t-il avoué. Je suis passée par des exercices simples d'art-thérapie : le dessin, le collage…moins engageant pour lui. Doucement mais surement.

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Écrit par

Anick Rosas

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Bibliographie

  • Van der Kolk, B (2020). Le corps n'oublie rien. Albin Michel.
  • Leveine, P (2013). Réveiller le tigre. InterEditions. 
  • Cyrulnik, B (2014). Les âmes blessées. Odile Jacob. 
  • Mangin, A; Rolling, J (2023). Le grand livre du trauma complexe, sous la coordination. Dunod. 

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