La névrose traumatique, à son origine

Suite à la guerre de Sécession (1861-1865), de nombreux cas de "Nostalgies" furent dénombrés. Silas Weir Mitchell (médecin neurologue et écrivain américain,1829-1914) recensa 3500 cas de "Nostalgies" chez les combattants nordistes.

28 MAI 2024 · Lecture : min.
La névrose traumatique, à son origine

La névrose traumatique, terme employé pour la première fois par Freud a été repris par Hermann Oppenheim (neurologue allemand 1857-1919) pour définir les symptômes psychiatriques apparaissant chez les personnes affectées par des accidents de trains. Aujourd'hui, on parlerait de trouble de stress post-traumatique.

Qu'est-ce que la névrose traumatique ?

La névrose traumatique est ainsi produite non par des faits infantiles, mais par des faits présents, où l'individu se voit pris dans des faits qui représentent un danger réel pour sa vie ou tout autre menace pour la vie d'autres personnes ; ou quand l'individu connaît à travers un membre de la famille ou toute autre personne proche des évènements qui impliquent des morts inattendues et violentes, blessures sérieuses, danger de mort ou blessures graves : crimes, torture, attentats…

L'évènement occasionne une symptomatologie similaire à celle de l'hystérie, mais qui se différencie par un affaiblissement et une destruction généralisée plus vaste.

Pour François Lebigot (médecin militaire et psychiatre français, né en 1943, spécialiste du traumatisme psychique), « l'image traumatique s'introduit dans l'appareil psychique de l'individu et se comporte alors à la manière d'un corps étranger interne. A cette réaction sont associés la sidération et l'effroi, puis secondairement l'angoisse. L'effroi constitue ce processus d'horreur résultant de «la rencontre avec le réel de la mort ». Le trauma est ainsi directement incriminé dans le bouleversement fondamental du fonctionnement du sujet.

Le post traumatic disorder, selon la classification américaine, met l'accent sur le stress qui découle de l'événement traumatique. Il s'agit d'un trouble qui se développe chez certaines personnes qui ont vécu ou été témoins d'un événement choquant, effrayant, terrifiant ou dangereux. La peur fait partie de la réponse « combat ou fuite » du corps, qui nous aide à éviter ou à réagir à un danger potentiel. Lorsque l'événement est particulièrement traumatisant : attentat, viol, exactions en temps de guerre, accident grave, tsunami, tremblement de terre, etc, alors s'inscrit durablement une peur à l'évocation de tout événement en écho au traumatisme primitif.

Quels sont les symptômes de la névrose traumatique ?

Les symptômes peuvent inclure des flashbacks, des cauchemars et une anxiété sévère, ainsi que des pensées incontrôlables à propos de l'événement : voir des images complètes ou partielles de ce qui s'est passé, remarquer des sons, des odeurs ou des goûts liés au traumatisme, ressentir des sensations physiques telles que la douleur ou la pression, éprouver des émotions ressenties pendant le traumatisme. La réaction du sujet doit avoir été marquée par certaines caractéristiques que sont : une peur intense, un sentiment d'impuissance ou d'horreur. Plus généralement, les symptômes sont :

  1. Panique à l'évocation du traumatisme
  2. Changements d'humeur, avec bouleversement, colère, irritabilité ou comportement agressif, nervosité, être effrayé facilement
  3. Hypervigilance
  4. Sommeil perturbé ou manque de sommeil
  5. Difficultés de concentrations
  6. Avoir l'impression de devoir s'occuper
  7. Éviter tout ce qui rappelle le traumatisme
  8. Être incapable de se souvenir des détails de ce qui s'est passé
  9. Se sentir émotionnellement engourdi ou coupé de ses sentiments, et difficulté à exprimer son affection
  10. Se sentir physiquement engourdi ou détaché de son corps
  11. Faire des choses qui pourraient être autodestructrices ou imprudentes
  12. Consommer de l'alcool ou des drogues pour éviter les souvenirs
  13. Avoir l'impression de ne pouvoir faire confiance à personne
  14. L'impression que nulle part n'est sûr
  15. L'impression que personne ne comprend
  16. Tristesse/dépression/difficulté dans les relations/prise difficile de décisions/pensées suicidaires/mutilation
  17. Se blâmer pour ce qui s'est passé (culpabilité)
  18. Baisse de libido (pulsion de vie)
  19. Difficultés à faire face au changement
  20. Difficulté à profiter simplement du temps libre.

D'autres symptômes peuvent apparaître : prise ou perte de poids importante, troubles digestifs, troubles cardiaques, troubles gynécologiques tels que aménorrhées, métrorragies, cancers (ovaires, col de l'utérus), etc. Pour résumer, une personne souffrant de névrose traumatique connaît une dégradation de son état psychique, mais aussi somatique et cognitif.

Par exemple, lors des attentats du 11 septembre 2001 à New-York, certains pompiers qui ont réchappé de la catastrophe, ont témoigné souffrir de dépression profonde 10 ans après, et incapables de profiter de la vie, tellement le sentiment de culpabilité s'est développé, d'être resté en vie. En parallèle, le sentiment que la vie ne vaut rien et que tout est absurde, prédomine après de tels actes violents causés par l'Homme.

Un événement traumatisant causé par l'Homme demeure le plus ancré psychologiquement, car fait écho à toute l'inhumanité dont l'Homme est capable. Les camps de concentration nazis, les goulags soviétiques ont marqué l'humanité à vie, tant sur le plan des individus qui ont subi ou été témoins, que sur le plan collectif.

Quels sont les symptômes de la névrose traumatique ?

Des études ont montré qu'une personne atteinte de post traumatic disorder continue à produire cortisol et adrénaline lorsqu'elle ne sera plus en danger, ce qui expliquerait certains symptômes tels qu'une vigilance extrême et la peur de sursauter facilement. Il s'agit de la façon automatique dont le corps se prépare à répondre à une menace, parfois appelée la réponse « combattre, fuir ou geler ». Certaines personnes éprouvent également des symptômes physiques similaires aux symptômes de l'anxiété, ou névrose hystérique, tels que des maux de tête, des étourdissements, des douleurs à la poitrine et des maux d'estomac.

  • Remarque 1 : dans la nosographie actuelle, il est question également de psychose post traumatique. Un élément déclencheur, un traumatisme, peut être à l'origine d'une psychose où le sujet perd le sens du réel et de sa situation.
  • Remarque 2 : dans le monde professionnel actuel, la psyché humaine est soumise à des injonctions parfois dénuées de sens, et des rythmes de travail inhumains. Beaucoup de burn-out conjugués parfois à de graves dépressions, sont présents. De véritables traumatismes sont vécus professionnellement. De nouveaux symptômes apparaissent : répression de l'agressivité réactionnelle (résignation, abandon d'envie et de combat, impuissance, soumission à des ordres dénués de sens), désarroi identitaire à cause de situations professionnelles contradictoires où les difficultés de terrain n'ont pu remonter dans la hiérarchie, être reconnues et mises en débat, altération des repères moraux : le vrai et le faux, le juste et l'injuste, le bien et le mal.
  • Remarque 3 : la Shoah, a marqué la Planète entière d'un fer rouge aux retentissements collectifs par des traumas ancrés dans les psychés depuis des décennies. Nathalie Zajde (Maître de conférences en psychologie à l'Université de Paris VIII Saint-Denis) a créé les premiers groupes de parole de survivants et d'enfants de survivants de la Shoah en France. Elle a également développé des dispositifs cliniques spécifiques d'aide aux personnes souffrant de traumatisme psychique, qu'il soit d'origine individuelle ou de masse : souffrances psychiques des survivants des massacres au Rwanda et au Burundi, entre autres. Reconnue comme spécialiste des souffrances psychologiques des "enfants cachés" (enfants juifs cachés durant la seconde guerre mondiale pour échapper aux persécutions nazies).
  • Remarque 4 : (histoire succincte depuis le 18ème siècle): Des médecins militaires tels que René-Nicolas Dufriche Desgenettes (médecin militaire français, 1762-1837), Pierre-François Percy (Chirurgien militaire français, 1754-1825), Dominique-Jean Larrey (médecin et chirurgien militaire français, père de la médecine d'urgence, 1766-1842), tentèrent d'identifier les mécanismes physiologiques de la névrose traumatique. Cela aboutit à des descriptions extrêmement précises des manifestations aiguës présentées par les combattants sur les champs de bataille.

Le Syndrome du vent de boulet faisait référence aux états de sidération des soldats déterminés par l'explosion des obus, et la Nostalgie décrivait l'affection de l'âme qui touchait les jeunes recrues enrôlées de force. Suite à la guerre de Sécession (1861-1865), de nombreux cas de Nostalgies furent dénombrés. Silas Weir Mitchell (médecin neurologue et écrivain américain,1829-1914) recensa 3500 cas de Nostalgies chez les combattants nordistes.

Cette Nostalgie touchait particulièrement les soldats les plus jeunes et les moins expérimentés et se caractérisait par des pensées obsessionnelles et une perte d'appétit. Elle était traitée par une permission... Le médecin militaire Jacob Mendez Da Costa (médecin américain, 1833-1900) fit usage le premier du terme de Cœur du soldat, encore appelé Syndrome de l'effort pour décrire les symptômes neurovégétatifs de la névrose traumatique de guerre : trouble anxieux associant fatigue d'effort, dyspnée, respiration sifflante, palpitations et transpiration qu'il a observé pour la première fois chez des soldats de la guerre de Sécession et documenté dans une étude de 1871.

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Écrit par

Robert Françon

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Bibliographie

  • Nathalie Zadje : Enfants de survivants ; Les Enfants cachés en France ; Qui sont les enfants cachés ? - Penser avec les grands témoins ; Guérir de la Shoah.
  • Sigmund Freud - Karl Abraham - Sandor Ferenczi : Sur les névroses de guerre

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