La perte d'un enfant et le deuil périnatal
Si vous avez déjà subi un avortement, peut-être avez-vous ressenti un mal-être, de la peine, de la tristesse que vous avez dissimulé, vous êtes-vous sentie incomprise par les autres.
Lorsqu'on attend un enfant, on imagine sa vie future, son visage, les moments de bonheur que l'on passera avec lui. Mais parfois, la mort de cet enfant chéri survient avant ou après la naissance. Pour les parents, c'est une épreuve d'autant plus difficile qu'ils doivent faire le deuil de l'enfant, de leurs joies à venir, mais aussi composer avec l'entourage qui essaye de les faire passer rapidement à autre chose.
On dénomme deuil périnatal celui qui se produit à la suite de la perte de l'enfant que l'on attend (depuis sa conception jusqu'à sa première année de vie). On considère qu'il s'agit là d'un deuil silencieux car, la plupart du temps, l'entourage occulte ce qu'il s'est passé. D'ailleurs, de nombreux couples choisissent de ne pas dire qu'ils vont avoir un enfant avant d'avoir passé le premier trimestre de grossesse car, s'ils le perdent, ils n'ont pas besoin de l'expliquer.
De nombreuses femmes se tournent vers un psychologue après la perte de leur futur enfant, car elles ont la sensation que leurs émotions sont injustifiées et ont honte d'être en deuil : "pourquoi être triste si le bébé n'est pas né ?", pensent-elles.
En outre, l'entourage a tendance à essayer d'étouffer l'affaire par des phrases comme "une fois que tu seras remise, tu pourras essayer d'en avoir un autre". Souvent, les femmes qui sont passées par un avortement thérapeutique ne se sentent pas soutenue par leur conjoint ou leur entourage, qui ne comprennent pas la force du lien entre la mère et l'enfant. L'entourage tendance à surmonter plus rapidement la perte et a faire comme si rien ne s'était passé, faisant comprendre au couple qu'ils peuvent réessayer quand ils veulent d'avoir un autre enfant. Mais pour le couple, c'est quelque chose de très dur au niveau émotionnel. En plus de devoir faire le deuil de l'enfant face à cette mort inattendue, il faut aussi faire le deuil du bonheur d'être parent ou de la possibilité de donner un frère ou une soeur à son enfant.
Psychologue clinicienne, Encarni Muñoz Silva nous a présenté deux cas de personnes ayant fait face au deuil périnatal, et ce sur quoi la thérapie s'était basée :
- La première patiente avait 37 ans lorsqu'elle est venue pour la première fois consulter, mariée et mère de trois enfants (une fille née prématurée et un deuxième enfant décédé peu après la naissance). Elle est venue en thérapie car elle avait subi un avortement thérapeutique au cinquième mois de sa dernière grossesse. Elle a dû rester en repos absolu pendant une semaine pour éviter l'accouchement prématuré, mais la poche des eaux s'est rompue et les médecins ont dû décider contre sa volonté de lui donner un médicament qui allait tuer le foetus, dont elle allait devoir accoucher. Elle a expliqué pendant le rendez-vous combien il a été difficile de prendre le médicament et de sentir que le bébé arrêtait de bouger. Elle a expliqué que mettre au monde le bébé qu'elle venait juste de faire mourir a été la chose la plus dure qu'elle n'ait jamais faite. Au moment où elle est venue en thérapie, il s'était passé un an et demi depuis cet avortement thérapeutique, mais elle ne pouvait pas sortir dans la rue et voir des poussettes avec des bébés. Tout contact avec les enfants générait chez elle un violent rejet, et elle ne voulait plus sortir de chez elle. Elle pleurait tout le temps et n'avait plus l'énergie de faire autre chose.
Pendant le deuil, elle n'était pas soutenue par son mari, qui se limitait à lui dire que ça finirait par passer et qu'ils pourraient ensuite réessayer, que ces choses arrivent et qu'il ne fallait pas en faire toute une histoire. Elle n'arrivait pas à remonter la pente et commençait à masquer son mal-être, à faire comme si tout allait bien. Personne ne la comprenait, tout le monde lui disait qu'elle pouvait recommencer, qu'elle n'avait pas à s'inquiéter, qu'elle était encore fertile. Elle se sentait coupable de sa situation, puis coupable d'avoir un utérus avec une forme particulière (qui avait provoqué les avortements). Toute sa vie, elle s'était imaginée être mère de famille nombreuse, mais son rêve s'est brisé. En masquant ces émotions, elle avait commencé à développer de l'anxiété, c'est pour cela qu'elle avait souhaité voir un psychologue. La thérapie de couple fut refusée par son mari, le suivi se concentrait donc sur son droit à être mal, sur l'écoute de ses émotions, afin de les sentir et d'élaborer le deuil. Elle rompit finalement avec son mari, car la relation s'était trop détériorée. Elle abandonna son bébé, au sens métaphorique du terme, puis par la suite son mari pour accepter sa nouvelle réalité. Elle n'a pas eu d'autres enfants, mais est aujourd'hui capable de profiter des enfants des autres et accorde bien plus de valeur à la relation qu'elle a avec sa fille.
- Le deuxième cas est celui d'un couple, Paula et Charles*. Au moment où ils ont commencé à voir un psychologue, Paula avait 34 ans, mariée et avait un enfant de 4 ans. Elle avait besoin de voir quelqu'un car elle avait mis au monde deux mois auparavant une fille née prématurée, qui était décédée après un mois de vie. Une thérapie de couple leur a été proposée et a été acceptée par les deux parties. Paula a exprimé le fait qu'elle se sentait triste et surtout coupable car elle commençait à oublier le visage de sa fille défunte. Le choc qu'ils avaient vécu était si fort qu'elle n'a pas pu prendre conscience du physique de sa fille. Elle se sentait aussi coupable de ne l'avoir jamais pu prendre dans ses bras ni de la toucher sans gants. Charles se sentait triste mais considérait que ses sentiments étaient normaux et finiraient par passer. Il y avait une grande différence au niveau du ressenti du deuil. Paula se sentait coupable, et Charles essayait de faire comme si rien ne s'était passé. Il évitait de parler de cela et essayait de faire comme si sa fille n'avait jamais existé pour tourner la page au plus vite, alors que Paula ne pouvait s'arrêter de pleurer et d'exprimer sa peine. Le travail a notamment consisté à faire prendre conscience à Charles de ses émotions afin qu'il s'autorise de la tristesse et que cela facilite la communication dans le couple pour qu'ils puissent parler de leurs émotions. Avec Paula, il a fallu creuser ce sentiment de culpabilité. Par la suite, ils ont créé une boîte à souvenirs contenant un album photo et des objets, et ont fini par faire une cérémonie avec un hommage pour prendre congé de leur enfant. Le couple a pu améliorer sa communication et normaliser le processus en comprenant le difficile de la situation. Un an après, ils décidèrent de se libérer de la peur et d'essayer d'avoir un autre enfant. Actuellement, ils ont un enfant en très bonne santé.
Si vous avez traversé ou traversez actuellement une épreuve similaire, ne vous taisez pas, parlez-en et autorisez-vous à avoir des émotions. Avoir un enfant est un grand bonheur, et le perdre est une véritable épreuve très difficile à supporter. Si cela est possible, cherchez de l'appui auprès de votre famille ou de votre conjoint. La communication est essentielle, il vous faut parler pour digérer petit à petit ce qui s'est passé. Si vous sentez que vous n'y arrivez pas seule, demandez l'aide d'un professionnel. Il s'agit d'un deuil, et il faut passer par plusieurs phases avant de se sentir mieux.
*Les prénoms ont été changés
Photos : Shutterstock
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Dans votre intro vous parlez d'avortement alors que le terme approprié est fausse couche.