Séduction, pouvoir et manipulation : le jeu des «pervers narcissiques»
Pensez-vous avoir déjà subi l’emprise de manipulateurs/ pervers narcissiques ? On vous explique comment les reconnaître...
Vous en connaissez probablement un ou une .... Charmant, manipulateur, bavard qui finit par vous faire faire ce qu'il (ou elle) veut. Les soi-disant "pervers narcissiques" sont tout autour de nous.
Il se déplace furtivement, trouve sa proie et ne la lâche jamais. Il parle bien, est compréhensif et réfléchi, et fait toujours attention à sa bien-aimée, la personne qu’il prétend aimer et qui représente tout pour lui. Il la séduit, se rend indispensable, puis demande en mariage souvent.
La victime est ravie. Elle est piégée et s'en rendra compte très vite. Tôt ou tard, il montrera son véritable visage. L'homme qu'elle a épousé s'avère être un prédateur de l'amour, le Dr. Jekyll et M. Hyde. Il humilie sa proie, la rabaisse, harcèle, mais jamais en public. Il est un maître de la manipulation et elle apprend à craindre ses sautes d'humeur et sa colère. Elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour réparer les choses, mais en vain.
Ceci est un scénario typique des "pervers narcissiques". Le psychanalyste Paul-Claude Racamier (1924-1996) a décrit pour la première fois cette pathologie controversée dans "Entre agonie psychique, déni psychotique et perversion narcissique", article paru dans la revue française de psychanalyse en 1986.
Séduction, pouvoir et manipulation
Le grand public a découvert le concept dans un livre best-seller de la psychiatre et psychanalyste Marie-France Hirigoyen, intitulé Le harcèlement moral (La Découverte et Syros, 1998). "Il y a un nombre égal d'hommes et de femmes victimes", explique-t-elle. "La violence des pervers narcissiques est basée sur un triptyque : séduction, pouvoir, manipulation. Ils possèdent des traits communs à tous les pervers moraux, par opposition aux pervers sexuels, mais ils sont beaucoup plus calculateurs et ont une plus grande capacité de destruction."
Auteur d'un livre récent sur la manipulation (JC Lattès, Abuse de manipuler la faiblesse et d'autres manipulations), le psychiatre va jusqu'à décrire: "Les pervers narcissiques doivent renforcer leur estime de soi en vidant celle de leurs victimes."
Le pervers narcissique déteste la générosité, les nobles sentiments ou toute qualité morale. "Ils prennent un malin plaisir à la transgression. Ils aiment faire du mal à la moralité de quelqu'un ou le pervertir, et enfreindre la loi", explique Marie-France Hirigoyen. "Ils sont de plus en plus nombreux", ajoute-t-elle. "Des conditions de travail plus difficiles encouragent les gens à être débrouillard ou à tricher. Les perversions morales, c'est-à-dire utiliser d'autres êtres humains comme objets, sont devenues la nouvelle pathologie de notre société."
Mathilde Cartel a rencontré son ex-mari en vacances alors qu'elle était très jeune. "Au début, il était tout ce dont je rêvais. Il avait créé un personnage qui correspondait exactement à ce que je cherchais", se souvient-elle. Il était différent, parlait peu mais bien et l’impressionnait en parlant de philosophie. Elle manquait d'amour-propre et il la mit sur un piédestal. Après les vacances, il lui envoyait une lettre tous les jours. "J'étais sa mère Theresa. Je me sentais utile et il m'a fait sentir intelligente", dit-elle. Frédéric mit deux ans à séduire Mathilde. Il l'a coupée de sa famille, l'a épousée et a pris un emploi à l'étranger.
Une fois sa victime piégée, il a révélé sa véritable identité. Il l'a convaincue qu'elle n'était rien sans lui, il est devenu terriblement méchant et l'a écrasée avec des commentaires blessants tels que : "Tu as un cerveau, pourquoi ne l'utilises-tu pas ?" Il l'a insultée, l'appelant "salope", "pute", lui disant de "fermer sa gueule". Quand elle n'en pouvait plus et qu'elle parlait de le quitter, il a menacé de se suicider avec ses enfants et la suppliait, affirmant qu'il avait besoin d'elle.
"Il m'a soumis à un lavage de cerveau. Je n'étais qu'une marionnette et il a tiré les ficelles. J'ai enduré sans donner mon consentement", dit-elle. Tout était de sa faute, et il n'a jamais été blâmé pour quoi que ce soit. Il l'a frappée. Pour les autres personnes extérieures, il faisait bonne impression. Les gens enviaient ce couple modèle. Un jour, il franchit une ligne et s'en prit aux enfants.
Après 15 ans d'humiliation et de critiques, Mathilde a finalement eu le courage de partir. "J'ai pris les enfants à l'école et je me suis enfuie", raconte-t-elle. Il lui a fallu des années pour récupérer de cette histoire. Elle a écrit un livre à ce sujet avec deux autres femmes qui ont traversé la même épreuve (j'ai adoré une perverse, avec Carole Richard et Amélie Rousset, Eyrolles).
Se nourrir des émotions de leurs victimes
La thérapeute cognitivo-comportementale Isabelle Nazare-Aga (auteur de Manipulators and love, Les éditions de l'homme) ne souscrit pas au concept de pervers narcissiques tel que théorisé par Hirigoyen. Elle les appelle simplement "manipulateurs". "Le manipulateur scanne rapidement une personne et est extrêmement intelligent. Il recherche les victimes qui ont des problèmes d'estime de soi, qui se sentent facilement coupables, qui ont le syndrome du sauveur, c'est-à-dire qu'elles veulent toujours aider les autres ou qui sont émotionnellement" dépendantes".
Les manipulateurs ont un besoin viscéral inconscient de semer le chaos dans la famille. "Ils se nourrissent des émotions de leurs victimes : peur, anxiété, tristesse, colère. Ils ne supportent pas le bonheur des autres", explique le thérapeute. Ils ont une confiance incroyable, ils persuadent leur victime de leur supériorité et ne supportent pas les critiques. Ils sont habiles avec les mots et utilisent une communication subtilement contradictoire.
"Une femme manipulatrice, par exemple, accusera son mari de ne jamais être ici et de ne pas l'aider à jardiner, mais en même temps, elle lui dira que l'argent qu'il ramène à la maison n'est pas suffisant pour emmener la famille en vacances à la plage ", explique Nazare-Aga. "Donc, s'il travaille plus pour gagner plus, il ne pourra pas aider sa femme. Et s'il est plus souvent à la maison pour l'aider, il ne gagnera pas assez pour emmener sa famille en vacances." Quoi qu'il fasse, ce ne sera jamais ce qu'il faut, assez bien.
Pourquoi le pervers narcissique agit-il de cette façon ?
Le psychanalyste Jean-Charles Bouchoux, auteur d'un livre remarquable sur le sujet (Pervers narcissiques, Eyrolles, 2011), affirme que ce comportement empêche le manipulateur/pervers de devenir fou. "Il projette sa mauvaise image de soi sur une autre personne qu'il doit ensuite détruire", explique Bouchoux.
Dans un processus de maturation normal, les enfants prennent conscience des autres lorsqu'ils grandissent. C'est l'incapacité à remplir cette étape qui conduit à la psychose, où le moi et le reste du monde ne sont pas distingués. Cela conduit également à des inquiétudes au sujet de la fragmentation et de la dissociation, puisque l’on pense que l’autre possède une partie de vous-même.
"Le pervers narcissique a été empêché de naître à son image. Il utilise les autres comme des miroirs, retient ce qui est bien sur eux et projette ses propres défauts. Il espère combler son vide et échapper à la psychose qui plane sur sa tête dans le cas de nouvelle régression ", explique le psychanalyste. Au risque de pousser la victime dans une confusion extrême et une dépression allant parfois jusqu'au suicide.
Photos : Shutterstock
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Bonjour, merci pour ce texte, donc je suis une survivante...