Comment gérer ses émotions au travail ? Enjeux d'un nouveau terrain à risque
Que faire des émotions au travail ? Si cette question est longtemps demeurée tabou, elle trouve aujourd'hui toute sa place dans le monde de l'entreprise. Mais cette évolution a créé un terrain sensible...
Dirigeants, spécialistes des RH, managers s'accordent désormais sur la nécessité d'intégrer la vie psychique des collaborateurs dans leurs décisions. Les émotions sont devenues un élément central de la vie des organisations et leur gestion fait figure d'axe de développement à part entière.
Stress, expression des sentiments, porosité de la frontière vie pro / vie perso, prise en compte des différents tempéraments, caractères et modèles de représentations : l'intime se retrouve projeté dans le travail, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, parce que c'est la condition incontournable d'un mieux-être individuel et collectif. Le pire, parce que nous sommes encore trop souvent démunis face à cette réalité d'un genre nouveau.
Que risque-t-on, concrètement, à prendre en compte les émotions dans l'entreprise ? Et que risque-t-on, tout aussi concrètement, à ne pas le faire ? Nous vous proposons de revenir, dans cet article, sur les principaux enjeux de la gestion des émotions dans un monde du travail en pleine mutation.
Une nouvelle souffrance au travail ?
Pendant longtemps, la prise en compte de la souffrance liée au travail s'est limité à la souffrance corporelle. Le corps était perçu comme un outil mis au service de l'exécution de tâches professionnelles. C'est seulement quand ce corps se mettait à dysfonctionner que l'on se posait la question d'une maladie professionnelle à traiter pour remettre la force de travail en marche.
Heureusement, notre rapport aux maladies professionnelles positivement et les risques de pathologies associés au travail intègrent aujourd'hui tout un spectre d'affects qui fait la part belle au psychisme des travailleurs.
Si l'on en croit les données de la 4e édition du Datascope, les facteurs psychologiques sont aujourd'hui responsables de 22% des arrêts de travail de longue durée. Et, de manière générale, si l'absentéisme en entreprise ne cesse de croître, ces causes psychologiques y sont pour beaucoup.
Depuis quelques années, les langues se sont déliées à propos du burn-out, notion introduite par le psychologue américain Herbert J. Freudenberger pour désigner l'épuisement physique, émotionnel et mental résultant d'un stress chronique lié au travail. C'est pourtant un enjeu dont beaucoup d'entreprises n'ont pas encore réussi à s'emparer de manière satisfaisante. Et pour cause, dirigeants et managers n'ont souvent pas les armes adaptées pour aborder efficacement cette problématique.
D'autant plus que la souffrance psychologique au travail ne se limite pas au burn-out. À la complexité des émotions de l'être humain répond une gestion tout aussi complexe de ces émotions en environnement professionnel.
Or, s'il y a bien une fonction au sein des entreprises qui se retrouve confrontée à cette gestion complexe au quotidien, c'est celle du manager. Rouage essentiel de la lutte contre la soufrance au travail, le manager a un rôle clé à jouer dans la gestion des émotions.
Le rôle clé du manager dans la gestion des émotions
Les affects individuels sont le lot quotidien du manager, ceux de ses collaborateurs bien sûr, mais également les siens. Parce qu'une bonne gestion par un manager des émotions qui circulent au sein de son équipe commence par une bonne gestion de ses propres émotions.
Quelle que soit sa position dans la hiérarchie de l'entreprise, le manager, pour exécuter efficacement sa mission, doit pouvoir s'appuyer sur une véritable intelligence émotionnelle. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a une grande part d'acquis dans cette forme d'intelligence. Elle peut donc se travailler et elle doit se travailler.
Qui dit mutations du travail dit nouvelles manières de travailler. La plupart des entreprises avancent aujourd'hui vers plus de coopération, plus d'organisation en mode projet, plus d'horizontalité dans la prise de décisions et un devoir d'agilité toujours plus grand. Dans ce contexte, c'est au manager qu'il incombe bien souvent de donner une traduction pratique aux schémas théoriques adoptés en amont par la direction.
Plus le manager saura évoluer avec aisance et naturel dans le paysage émotionnel de son équipe de travail, plus il sera en mesure de répondre efficacement à ces mutations du travail. Savoir agir vite et bien est une qualité de plus en plus stratégique pour un manager. Il doit savoir prendre rapidement les meilleures décisions pour mobiliser son équipe et placer chacun dans les meilleures conditions pour exprimer tout son potentiel.
Pour un manager, la gestion des émotions est donc un levier essentiel de montée en compétence et de développement de son leadership. Sur le papier, cela semble évident. Mais, dans les faits, cela implique de savoir composer avec des problématiques compexes, celles des uns, des autres et de soi-même. Alors voici cinq clés pour y parvenir, qui sont donc autant d'axes sur lesquels un manager peut et doit travailler.
Comment gérer ses émotions au travail ?
L'intelligence émotionnelle repose sur plusieurs facteurs. Ce sont ces facteurs qui, développés conjointement, permettent de créer les conditions d'une bonne gestion des émotions au sein de l'entreprise.
- Assumer les émotions: On nous enjoint depuis notre enfance à contrôler nos émotions, à les maîtriser. Mais une mauvaise compréhension de cet objectif peut nous inciter à les retenir, voire à chercher à les faire taire. Ce n'est bien sûr pas souhaitable et, pour être en phase avec nos affects et ceux des personnes que nous côtoyons, nous devons commencer par assumer ces affects. Dépasser la crainte d'être jugé sur ce que l'on éprouve et non simplement sur le travail que l'on effectue est la première étape pour créer un environnement professionnel épanouissant. Une personne ne se laisse pas réduire à ses émotions, mais elle ne se laisse pas non plus réduire à ses tâches, à ses responsabilités ou à ses accomplissements. La personne humaine est complexe et son épanouissement implique d'assumer cette complexité.
- Connaître les émotions: Pour informer correctement les prises de décisions, les émotions doivent être connues. La capacité à les identifier et à les désigner est la première étape de leur maîtrise. Savoir comment se manisfestent la peur, le stress, la colère, la honte, la tristesse, mais aussi la joie ou la confiance en soi, et savoir également comment appréhender les différents états du spectre psychologique permet d'en prendre la mesure. La tristesse peut isoler quand la peur peut par exemple paralyser ou la honte inhiber… Alors, pour prendre les bonnes décisions, il faut pouvoir bénéficier de recul sur les mécanismes émotionnels. Il faut apprendre à connaître les émotions. Mais, surtout, chaque émotion apparaît dans un contexte et ne signifie pas grand chose prise séparément. Apprendre à connaître les émotions, c'est donc aussi apprendre à les aborder dans leur dimension systémique, comme paramètres d'un enchevêtrement d'éléments.
- Exprimer les émotions: Assumer les émotions et les connaître ne suffit pas à les intégrer correctement dans une organisation. Encore faut-il les exprimer de manière pertinente. Que ce soit pour transmettre une consigne, faire une observation, donner un retour, formuler une idée ou recueillir toute sorte de parole, la communication interpersonnelle est une clé de la gestion des émotions. Comprendre et se faire comprendre dans un langage qui libère la parole permet en même temps de libérer un espace sain pour exprimer les émotions.
- Investir (dans) les émotions: Les enquêtes RH récentes montrent que les Français ont tendance à particulièrement s'investir dans leur travail et elles font globalement le lien entre ce fort investissement et l'augmentation de la souffrance au travail. De ce point de vue, il ne s'agit pas de brider le besoin d'investissement, mais simplement de ne pas en nier la dimension émotionnelle. Pour générer de la cohésion au sein d'une équipe et créer une émulation collective, il est indispensable de pouvoir mobiliser cet investissement émotionnel. Investir les émotions, c'est investir dans les émotions. C'est se donner les moyens de capitaliser, à l'échelle du groupe, sur l'énergie, la diversité et le potentiel de chaque individu. Ce parti pris psychologique dans les organisations, c'est le parti pris du réel.
- Dédramatiser les émotions: Le chemin vers la maîtrise des émotions dans le monde professionnel et long et semé d'embuches. Et si le secret de cette quête était finalement de se rendre compte que ce chemin est sans fin ? Les émotions sont une matière humaine, donc instable et impossible à prévoir de manière certaine. Maîtriser les émotions à 100% est en fait un leurre. Aussi, pour obtenir des réussites dans ce domaine, il faut dédramatiser cet objectif et renoncer à la maîtrise absolue. Au sein d'une organisation, il y aura toujours des frustrations, des blocages, des échecs liés à une gestion imparfaite de certaines émotions. Pour les réduire, il est essentiel de commencer par accepter que la gestion des émotions est condamnée à l'imperfection. D'ailleurs, n'est-ce pas aussi ce qui la rend si précieuse ?
Vous l'aurez compris, le mot d'ordre de cet article repose sur le fait d'assumer la complexité des émotions et le caractère toujours évolutif de leur prise en charge dans le monde du travail. La gestion des émotions en entreprise est faite de tâtonnements, de remises en cause et de progrès incrémentaux. C'est un enjeu crucial pour éviter les risques de Burnout et autres maladies liées au travail.
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