N’est pas fou qui veut
Comment élever un enfant pour lui éviter le plus possible de sombrer dans la folie ? En lui offrant une niche sensorielle ( B.Cyrulnik)
N'est pas fou qui veut ! (Jacques Lacan (4)
Souvent nous avons peur de sombrer dans la folie à cause de moments terrifiants d'angoisse ou de terreur, de profonde tristesse à vouloir en finir et le sentiment de devenir fou nous tombe sur le nez.
Ces moments, que même le tout petit d'homme vit dès le premier jour de sa vie, renvoient à la toute première peur inouïe de mourir symbolisée par le souvenir de la naissance.
Naître c'est mourir : manquer d'air, se faire écraser lors du passage vers le monde extérieur, avoir froid, recevoir une lumière violente non tamisée par l'utérus, entendre des sons non filtrés par le placenta. Un vrai traumatisme cette mise au monde!
Puis la faim tenace, le "Moi-peau" (1) effracté du contact avec la paroi utérine qui contient et protège.
Le bébé vit des moments psychotiques ( de folie) car il n'a pas encore conscience de son propre Moi qui est confondu avec sa figure maternelle. Angoisses de morcellement, de liquéfaction, d'intrusion. Sa survit ne dépend pas de lui mais de sa mère. Il est alors totalement dépendant d'elle.
Son image de soi est orale. S.Freud parle du "stade oral" (2). La mère ou le père n'est qu'une partie de son corps, un prolongement de soi. Dès lors qu'elle est absente, c'est un morceau de soi qui est arraché au bébé.
Le sein n'est pas juste l'objet partiel nourricier. Il procure le plaisir oral et le sentiment de ne faire qu'un avec la mère. Elle doit pouvoir se montrer totalement disponible pendant la première année et surtout les 6 premiers mois car l'enfant n'a pas encore son propre Moi.
L'origine de la « folie » se situe lors de ces premiers mois de fusion indifférenciation d'avec la mère. Parce qu'elle ne s'est pas montrée "suffisamment bonne" (3), contenante, rassurante, disponible, par sa présence, sa joie et ses sourires devant son petit miracle d'enfant, mais aussi parce qu'elle n'a pas su/pu introduire la distance en frustrant progressivement l'enfant. Il est resté son principal objet de satisfaction et de désir. Il y a eu "forclusion du nom du père" (4). La mère n'a désiré que son enfant en place de phallus ( puissance de la mère ). Pour éviter la folie de son enfant, il aurait fallu qu'elle désire et jouisse ailleurs ( avoir du plaisir au sens large et pas uniquement génital mais plaisir de vivre, de faire des activités, dévorer un livre, se retrouver en amoureux avec son compagnon, aller travailler ..).
Donc trop de frustrations ( mère peu disponible, dépressive, absente, malade, toxique, rejetante ..) ou trop peu de frustrations ( être collé à son enfant-phallus et déserter le monde extérieur ) peuvent rendre un enfant malade jusqu'à la folie, qui certes peut de se décompenser une fois adulte, mais dont la personnalité psychotique est la structure même de la personne depuis l'enfance.
De plus, il ne faut pas oublier la biologie dans les facteurs de la psychose ( la folie) : la recherche est toujours en cours mais on sait maintenant qu'il y a une grande part de génétique. "N'est pas fou qui veut" (4). Même après avoir vécu un traumatisme une fois adulte.
Il faut savoir aussi qu'on vit très bien la plupart du temps avec une structure psychotique à condition de se faire suivre par un psychiatre qui délivre une chimiothérapie ( des neuroleptiques surtout) après avoir dressé un diagnostic très précis qui peut toujours évoluer dans le temps. Rien n'est jamais fixé. La chimiothérapie évite le délire et les hallucinations. Elle permet souvent de vivre à peu près correctement sans trop d'angoisses.
Car la personne schizophrène ou paranoïaque ou encore bipolaire souffre d'une angoisse massive de morcellement, éclatement, liquéfaction, arrachement de son "Moi-Peau" (1). Il y a un fort risque de suicide si la personne n'est pas suivie médicalement.
N'est pas fou qui veut. Même la pire des mères peut ne pas rendre l'autre fou. Car l'enfant peut faire preuve de "résilience" (5). Tout n'est donc pas joué à l'avance et heureusement! Le père, une grand mère ou tout autre personne proche de l'enfant peut « sauver » son bébé en étant la figure d'attachement principale. De même qu'il faut tout un village pour élever un enfant ( proverbe africain repris par Boris Cyrulnik), le pire des scénarios serait de se retrouver un huit clos durant de années avec la même personne. D'où la difficulté des mères célibataires isolées d'élever leur enfant. Il ne faut pas hésiter à se faire aider par des groupes de parents, la crèche, des amis, des associations qui créent du lien et une "niche sensorielle" (5) tout en permettant à la mère de trouver un soutien affectif par la fréquentation d'autres figures d'attachement.
Il y eu un temps où OVS ( On Va Sortir) permettait cette rencontre d'autres mamans, papas et d'enfants. Je ne sais pas si cela se fait encore, mais rien n'empêche de créer une sortie : pique-nique parents enfants, ou balade, visite de parcs etc l'essentiel étant de ne pas rester seul avec son enfant.
Bibliographie :
(1) Didier Anzieu, le Moi-Peau;
(2) Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité;
(3) D.Winnicott, La mère suffisamment bonne;
(4) J.Lacan, Séminaires;
(5) B.Cyrulnik, Les deux visages de la résilience.
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