Je répète le même fonctionnement depuis plus de 20 ans
Je ne compte plus le nombre de fois que j'ai été consulter des psy pour résoudre mes difficultés. Je répète le même fonctionnement depuis plus de 20 ans, pour toujours me retrouver, périodiquement, au chômage, isolé, indécis, voire même à la rue, incapable de savoir quoi faire de ma vie, et toujours seul, dans un monde où je ne trouve pas ma place.
Au collège, au lycée, toujours à chercher à me faire accepter dans un groupe, puis dans le monde, à chercher à être recruté par une entreprise, et entre les deux, parfois, chercher à être entendu des dieux… qui ne répondaient pas mieux. A force d'être bon à rien et bien nulle part, je finis par l'avoir mauvaise.
Je ne me sens à ma place nulle part, je tâche de me ranger dans une case que je finis toujours par déranger, je m'irrite de ces étiquettes qu'on veut toujours vous coller, j'ai toujours fui les rivalités mimétiques et les concours de quéquettes, avec les "je t'ai battu c'est moi le meilleur", on est bien avancé avec ça! Mais, le résultat c'est que je fuis tout, je ne me confronte à rien, je ne réalise rien, et je gaspille ma vie en activités futiles, en addiction alimentaire et branlettes psychillogiques.
Je vivais dans la croyance que j'étais bête, mais un jour au travail j'ai observé que lors de réunions, je formulais rapidement une analyse et plusieurs propositions, tandis que mes collègues se fixaient sur une seule vision réduite des choses. J'ai alors douté, que ce n'était pas forcément moi qui disait des bêtises, mais peut-être eux qui ne saisissaient pas les points de vue variés que j'exprimais. J'ai alors fait un test de QI avec un cabinet psy (encore un), où l'on m'a décerné le titre de haut potentiel.
J'ai été pris de contorsions mentales supplémentaires pour savoir quoi faire d'une étiquette aussi encombrante que flatteuse pour mon égo en mal de reconnaissance, pour finalement n'en retenir qu'une seule conclusion: que ce potentiel soit haut ou pas importe moins que le fait qu'il n'est que potentiel, c'est-à-dire, encore une fois, inaccompli. Et retour à la case départ, je suis rassuré sur mon potentiel, mais je ne sais pas plus qu'en faire.
Je dis quoi, mais la question du comment importe beaucoup aussi. Si je voulais réaliser le projet de devenir, soyons fou, psychothérapeute, cela reviendrait à m'investir pour 5 à 10 ans de formation, tout en continuant de travailler… et cette perspective me décourage aussitôt, ça me paraît au-dessus de mes forces de m'investir aussi longtemps, sans certitude de pouvoir maintenir de tels efforts sur une période aussi longue. Me projeter à aussi long terme m'effraye autant qu'aborder une séduisante inconnue. Trouillard, hein…
Les conséquences de tout cela, c'est qu'à 47 ans, je suis actuellement sans domicile fixe, je loue une chambre chez l'habitant, tandis que, au chômage depuis un an, je cumule les réponses négatives, et parfois les prises de bec avec des recruteurs dont les questions d'allure inquisitrices pour moi m'horripilent. Les propriétaires nourrissent des suspicions à mon encontre, ils sous-entendent l'idée que je ne cherche pas vraiment à travailler… que je ne suis pas fiable, ou pas tout à fait digne de confiance… les colocs observent que je ne suis pas très sociable, pas très partageur… et je constate que de leur point de vue, ce n'est pas faux.
Je suis célibataire, je n'ai pas eu de relation amoureuse ni sexuelle depuis… je préfère ne pas compter les années, je n'ai d'ailleurs jamais vécu de vraie relation de couple, j'entends par là, avec un investissement profond et durable.
Je n'ai jamais rien fait d'autre qu'essayer de m'améliorer, d'améliorer ma vie, pour la gâcher toujours plus, le rapport de cause à effet semble évident dit comme ça, mais arrivé à cette constatation, je reviens encore à mon point de départ: que faire? Je comprends qu'il n'y a rien que je puisse faire, et alors je sombre dans la dépression. Je dois vraiment être stupide, finalement. L'enfer, c'est pas les autres, c'est moi.
En référence aux catégories que les scientifiques aiment établir pour se donner des grilles de lecture d'apparence rationnelle dans un monde qui ne l'est pas, les diagnostics sont:
- trouble de l'évitement
- phobie sociale
- névrose obsessionnelle
- dépression chronique
- trouble du comportement alimentaire (boulimie atypique)
Sur le plan de ma santé, cholécystectomie, troubles de la digestion, troubles du transit.
Quand je vais voir les psy, je suis gêné par le fait qu'ils cherchent à identifier mon problème de la même façon qu'un médecin cherche à identifier une maladie, à poser un diagnostic, pour lui prescrire le remède qui leur semble approprié pour éliminer les symptômes. Plus de symptômes, plus de maladie, rentrez chez vous, vous êtes guéri!
Pour moi il va de soi que du point de vue purement médical, cette vision est souvent fausse. Eliminer les symptômes concourt évidemment au rétablissement du bien-être du patient, mais fait totalement l'impasse sur les causes initiales, et ne conduit pas forcément à une guérison, je dirais même que ça ne conduit qu'à différer la maladie, ou même à préparer des complications futures!
Et du point de vue psychique, il n'y a tout simplement pas de maladie au sens où on l'entend dans le monde médical. Il y a des traumas, des faiblesses de personnalité, qui peuvent devenir des vices, des lacunes intellectuelles et affectives. Il y a des incidents qui ont perturbé le développement harmonieux de la personnalité, qui empêchent son épanouissement, et qui empêchent ensuite durablement d'être en bonne relation avec le monde. Il n'y a pas de remède, pas de "technique" qui guérissent un trouble psychique.
Je suis également gêné quand on me demande ce que je veux, quand on me demande quel est mon objectif… après ce que je viens d'expliquer, on peut déjà comprendre en quoi cette question me pose problème. Mais de plus, quand on me demande ce que je veux, j'ai l'impression qu'on me demande de donner la réponse à toutes ces questions auxquelles je ne trouve pas de réponse, et auxquelles je ne devrais pas essayer de répondre, parce que je me prends déjà trop la tête, et que c'est une partie de mon problème!
Des fois, je voudrais vraiment être stupide, comme ça je ne me poserais pas de questions, je n'aurais pas de doutes, et j'irais sûrement plus loin que dix intellectuels assis. Vous les avez vraiment vu, ces intellos qui passent à la télé? Quand vous observez BHL, ou Finkielkraut, franchement… pendant 10 secondes, je suis un peu rassuré sur mon compte… et puis je reconnais qu'eux au moins, ils passent à la télé…
Mais je suis compliqué, je n'arrive pas devant un psy avec une maladie à guérir, mais avec un embrouillamini invraisemblable, qu'on peut soit démêler, soit déjouer. Un nœud gordien. Vous savez trancher? Jusqu'à présent, je n'ai trouvé personne qui sache.
Je ne sais pas comment conclure ce... ça ressemble un peu à un testament, et je ne sais pas comment demander quoi.