Quand les parents se séparent...

Nous nous efforcerons de développer de la manière la plus claire certaines répercussions possibles sur les enfants, qui peuvent survenir lors de la séparation des parents.

20 JUIN 2019 · Lecture : min.
Séparation parents

À propos du divorce

La séparation des parents pendant l’enfance est souvent un événement important, qui peut être un facteur négatif ou positif pour le développement affectif et/ou psychologique des enfants. Toutefois, le divorce est généralement conçu comme un facteur de désorganisation, qui engendre la peur et l’angoisse dans la structure familiale. En d’autres termes, ce n’est pas un événement facile à assimiler et à gérer tant pour les parents que pour les enfants.

Tous les enfants ont le droit de maintenir une relation avec chacun de leurs parents et ont également le droit d’assurer leur développement intégral. Pour faciliter leur développement émotionnel, ils ont besoin de vivre ensemble et de recevoir l’affection de la mère et du père. Toutefois, en cas de divorce, il semble souvent que le père divorce à la fois des enfants, alors que ce n’est pas le cas. Ce sont les parents qui divorcent, pas les enfants.

Pour Mendell (1988) : "le divorce signifie la perte partielle d’une relation (généralement avec le père, bien que l’enfant doive presque toujours supporter la disponibilité diminuée des deux parents, puisque la mère devra travailler ou sera inquiète, c’est-à-dire déprimée). Toutefois, la perte est permanente. (p. 305)".

L’absence (physique ou émotionnelle) de l’un des parents pose à l’enfant de nombreuses questions, auxquelles le père ou la mère ne sait pas quoi ou comment répondre, il faut comprendre qu’il s’agit d’un duel, de la part des deux parents et aussi des enfants, c’est une situation difficile, dans laquelle la pensée et les émotions ne sont pas tout à fait claires. Dans la plupart des cas, ces questions sont restées sans réponse, simplement ignorées ou répondues par des mensonges. Les enfants sont très habiles à reconnaître quand leurs parents leur mentent et aussi quand ils font allusion à des sujets qu’ils ne veulent pas ou qu’ils ne doivent pas parler.

Dolto (1991) mentionne à ce propos que "le divorce est d’abord pour eux [pour les enfants] un mystère, mais qu’il ne devrait plus l’être ; en effet, il s’agit d’une situation légale qui apporte également pour les enfants une solution. Ce qui peut être expliqué dans le cabinet du psychologue ou du médecin lorsque des parents malheureux viennent avec les enfants et commencent à dire "nous allons divorcer". (…) parfois, il résout une situation de désaccord qui s’aggrave au fur et à mesure que les enfants grandissent, car eux-mêmes tentent de rétablir en vain l’atmosphère familiale antérieure. Il peut arriver aussi que, dès la puberté, les adolescents entrent en guerre ouverte avec l’un des parents, prétextant qu’ils voient l’autre malheureux. Donc il prend parti pour l’un d’eux. Dans tous ces cas, le divorce clarifie la situation de l’enfant, à condition que tout soit dit ouvertement et officiellement, devant le reste de la famille et des amis. (pp. 11-12)."

Hypothèse de rejet

Malgré cela, quand l’enfant continue avec ce doute, que son père (généralement le père, mais pas seulement lui, qui se sépare de la famille), n’est plus avec eux, ce doute l’angoisse, et pour arrêter ce sentiment, il commence à créer des hypothèses ou des fantasmes sur l’absence de son père

Comme le mentionne Loreto (2011) "quand les enfants ne savent pas, mais qu'ils ont des intuitions et veulent savoir, ce qu’ils font c’est inventer leurs propres théories. Alors, devant sa curiosité, l’enfant invente, parce que ce qui l’angoisse le plus, c’est que ses intuitions restent sans explication. (p. 23)."

La plus fréquente d’entre elles est l’hypothèse du rejet, sans explication ou du moins une explication convaincante de la part des parents, l’enfant interprète l’information sur sa situation familiale et la relie à celle-ci. L’hypothèse est formulée plus ou moins de cette façon "je ne suis pas assez bon pour mon père/mère, c’est pourquoi il m’a rejeté".

Le rejet engendre une blessure émotionnelle, et comme l'enfant est blessée, et que cette blessure est causée par quelqu’un de la plus haute importance dans la vie de l’enfant, cela le déstabilise, lui projette un monde incertain où même les personnes les plus chères peuvent lui faire du mal, il faut donc se former des barrières qui puissent le défendre des autres.

L’une de ces défenses est le détachement envers la figure que l'enfant rejette, ce détachement crée une sorte de programmation qui s’active à chaque fois qu'il doit fréquenter des personnes semblables au père ou à la mère absent.e. Le détachement peut entraîner des difficultés d’identification sexuelle et d’établissement de liens affectifs avec des personnes du même sexe.

Comme le mentionne Bourbeau (2011) "la blessure de rejet se trouve chez le parent du même sexe. (…) il est normal et humain de ne pas l’accepter et de lui en vouloir au point de le haïr. (…) en n’acceptant pas le parent qui a contribué à causer votre blessure, il est également habituel de ne pas l’utiliser comme modèle. (p. 36)."

Les figures parentales du même sexe remplissent des fonctions spécifiques telles que nous enseigner à aimer et à nous aimer, c’est pourquoi leur détachement est à l’origine de comportements désagréables, comme l’évitement social, la méfiance envers les autres, sentiments d’infériorité, sentiments de culpabilité et de rejet de soi-même.

Le masque de la fuite

Pour clarifier le concept de masque, de la psychologie analytique, c’est cette partie de notre personnalité que nous exposons aux autres et dans certaines situations, sa principale fonction est de nous adapter à la vie sociale, cependant, quand une identification avec le masque se produit, elle se présente comme si c’était notre vrai moi, alors qu’en réalité, ce n’est qu’une partie de nous. Le masque est la position que nous prenons face à l’autre. En ce sens, ils seraient comme des rôles (être un homme, être une mère, être un enseignant, etc.). Et comme nous le savons, ces rôles apportent avec eux certaines caractéristiques qui sont attendues pour chacun d’eux. Devant la société "les hommes ne doivent pas pleurer", "les mères sont bonnes", par exemple, même si, évidemment, toutes les mères ne sont pas bonnes et les hommes doivent et peuvent pleurer.

Pour Las heras (2008), le masque se trouve "dans la couche consciente, ses racines s’étendent – profondes – dans l’inconscient collectif. Il y a dans chaque individu, dès sa naissance, des éléments innés qui détermineront – principalement – le type de masque à développer pour faire face aux défis du monde extérieur. Jung a été le premier chercheur à découvrir l’état inné du visage extérieur de la psyché.

La personne est définie par trois circonstances :

  • a) Ce qui est inné.
  • b) Ce que les autres attendent de chacun et que l’individu sait qu’on attend de lui à cause de sa vie en société.
  • c) Ce que l’individu veut être, d’une part. Et ce qu’il veut montrer aux autres qu’il est. Non seulement la situation présente, mais aussi à travers son projet de vie. (p. 29)."

Le masque fuyant, c’est alors la position que prennent les personnes avec la blessure du rejet, pour fuir le monde social, pour ne pas s’impliquer avec les autres, évitant ainsi de se sentir à nouveau rejetées. Mais quand ils prennent cette position, ils fuient vers leur monde intérieur, s’isolant, rejetant les autres et se rejetant eux-mêmes. Le masque est après tout l’armure avec laquelle ils essaient de protéger leur blessure, mais aussi celle dans laquelle ils s’enferment.

Bourbeau (2011) applique le terme fugitif à la personne rejetée, mentionne que "le masque fugitif est la personnalité ou le caractère qui se développe précisément pour éviter la souffrance de la blessure de rejet. (p. 32)." Il explique ensuite que "la personne fuyante est celle qui doute de son droit d’exister (…) la personne affectée par cette blessure a tendance à fuir son monde. (pp. 33-34)."

Hypothèses de l’abandon

Une autre hypothèse que l’enfant crée pour arrêter l’angoisse est celle de l’abandon, celle-ci est formulée non sans l’aide du contexte dans lequel la séparation a lieu, ce que dit le père/la mère qui garde l’enfant sur son ex-partenaire, les attaques négatives sur l'ex-partenaire, alimentent l’hypothèse de l’abandon. Se sentir abandonné par le père ou la mère, engendre une blessure émotionnelle différente de celle créée par le rejet, dans ce cas, le monde est également perçu comme incertain, mais dans le sens que les choses en lesquelles vous avez confiance peuvent disparaître du jour au lendemain, en bref, les gens peuvent vous abandonner, à tout moment.

Comme l’indique Mendell (1988), "l’enfant peut être relativement abandonné par les deux parents à la suite d’un divorce. L’un est parti de chez lui, tandis que l’autre doit tourner son attention vers d’autres choses (comme d’habitude). L’enfant doit ainsi faire face de manière précipitée et forcée à la fragilité de son monde. La sécurité qu’offre une unité de parents intacte est considérée comme acquise dans la plupart des enfants de ces familles (heureusement); cependant, les enfants de parents divorcés ne peuvent plus jamais ressentir cette sécurité. Il y a toujours la possibilité, même si on ne parle pas d’elle (et parfois si on parle !), que "si papa peut être expulsé, je peux l’être aussi" et "si papa peut m’abandonner, ma mère aussi peut le faire"(p. 307)".

En outre, il est très probable que celui qui souffre de la blessure de rejet se sente également abandonné, par exemple rejeté par le père qui se sépare de la structure familiale et abandonné par la mère, qui est maintenant plus occupée par le travail, les activités ménagères et/ou les frères et sœurs plus jeunes ou qui ont besoin de plus d’attention de leur part. Comme on peut le voir, la blessure de l’abandon se situe dans la dimension du fait et de l’avoir par rapport au parent qui reste en charge (généralement la mère).

Selon Bourbeau (2011), "de nombreuses personnes souffrant d’une blessure d’abandon ont souffert d’un profond manque de communication avec le parent opposé. Pour eux, ce parent était trop réservé, et même s’ils voulaient qu’il prenne soin d’eux, ils étaient convaincus qu’ils ne l’intéressaient pas. Selon mes observations, la blessure d’abandon est vécue avec le parent du sexe opposé. J’ai observé que la personne qui souffre d’abandon est aussi souvent rejetée.Quand il est jeune, il se sent rejeté par son parent du même sexe et abandonné par celui du sexe opposé, dont il pense qu’il aurait dû s’occuper, et surtout qu’il aurait dû veiller à ce qu’il soit moins rejeté par l’autre parent. (pp. 54-55)."

Pour faire face à ce type de sentiments, les enfants acquièrent des comportements qui peuvent leur assurer de ne pas être abandonnés par les autres, y compris la sympathie forcée, l’infantilisme, la peur de la solitude et la dépendance envers les autres, ce qui les conduit aussi à se sentir non aimés, ni par eux-mêmes, ni par les autres. L’hypothèse de l’abandon ou de la blessure de l’abandon se produit principalement lorsque les parents qui sont séparés de la famille sont du sexe opposé à celui de l’enfant.

Le masque de la dépendance

Le masque qui se développe pour se défendre de l’abandon est celui de la dépendance. Ces personnes demandent souvent aux autres : trop d’attention, de soin, d’affection, etc. S’ils demandent les besoins qu’ils n’ont pas pu obtenir dans leur enfance, du moins pas dans leur intégralité, ou qui n’ont pas été satisfaits par le parent du même sexe. Ces personnes s’accrochent aux autres pour ne plus se sentir abandonnées. Mais cette tendance à s’accrocher aux autres, les rend parfois intolérables pour l’autre, en ce sens qu’elles exigent trop de temps, d’affection, de protection, d’argent, cette exigence peut devenir une attaque de jalousie. Cette tendance à éviter d’être abandonnés est alimentée par la peur de la solitude.

Bourbeau (2011) suggère que ceux qui portent ce masque sont généralement considérés comme des victimes, il mentionne que : "une victime est une personne qui crée toutes sortes de problèmes dans sa vie, mais surtout des problèmes de santé pour attirer l’attention. Cela répond aux besoins du dépendant, qui estime qu’il ne reçoit jamais assez d’attention. (…) le dépendant est une personne qui dramatise beaucoup : le moindre incident prend des proportions gigantesques. (p. 58)."

Quelques considérations

Ces blessures semblent être des caractéristiques d'enfants de parents séparés, car cette situation est plus favorable à l’émergence d’un sentiment de rejet et d’abandon de la part de l’un des parents, mais il ne s’agit pas d’une question d’exclusivité car nous parlons de se sentir rejetés ou abandonnés, ce qui peut être très différent de l’être vraiment dans la réalité. Il faut bien différencier la réalité psychique de la réalité elle-même.

Bien que, comme toute complexité humaine, ces particularités n’apparaissent pas isolées d’autres caractéristiques ou d’autres blessures émotionnelles. 

Comme l’avertit Bourbeau (2011) "en approfondissant encore cette étude de caractères, vous pourrez constater que la plupart des personnes ont plusieurs blessures, même si elles n’expriment pas toutes le même degré de douleur. (p. 55)."

Ce que chaque personne est aujourd’hui, c’est une forme unique d’être dans le monde, et ce n’est pas seulement la somme des expériences ou des événements. Les blessures émotionnelles de l’enfant demeurent jusqu’à l’âge adulte, faisant partie de leur totalité, cela ne signifie pas qu’elles sont condamnées à souffrir toute leur vie, mais qu’il s’agit d’intégrer ces aspects.

Comme le mentionne Jung (1991), "il est évident qu’un tel destin comporte d’innombrables alternatives. Peut-être que par ses propres efforts –au prix d’inhibitions et de luttes intérieures inadmissibles pour ceux qui l’entourent et incomprises par lui-même- l’individu arrive à composer  avec "la défaillance" infantile, à compenser les dispositions négatives héritées de ses parents. (p. 92)."

Photos : Shutterstock

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Écrit par

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Commentaires 1
  • Dfr

    Je trouve votre analyse très datée.. Je suis séparée du père de mes filles depuis 4 ans et nous en avons la garde partagée. Vous ne faites aucune mention de ce type de garde, qui est de plus en plus répandue. Ni de la spécificité des conséquences psychologiques sur les enfants.

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