Pourquoi détester son ex (l’ex de l’autre) ?
Il est rare de rencontrer un homme ou une femme qui n’a jamais aimé avant nous. La question des « Ex » concerne donc pratiquement tout le monde.
Il est rare de rencontrer un homme ou une femme qui n'a jamais aimé avant nous. La question des « Ex » concerne donc pratiquement tout le monde. Que ce soit au tout début d'une nouvelle relation, ou plus tard, après des mois ou des années, certains d'entre nous maintiennent une méfiance, voir une haine farouche, envers l'ex de leur conjoint. D'autres au contraire deviennent amis et invitent la mère ou le père des enfants de l'être aimé à fêter les anniversaires. Ou passent leurs vacances tous ensemble. Pourquoi ? Qu'est-ce cela révèle d'eux et à l'opposé, en quoi l'ombre d'un ou d'une « ex » peut-elle empêcher une (nouvelle) relation de fonctionner ?
La difficulté de prendre sa place : c'est elle ou c'est moi ! (variante : c'est lui ou c'est moi !)…
Cette question renvoie à notre rapport aux autres. A notre capacité à occuper ou à prendre notre place. A nous sentir légitimes dans nos actions, dans nos valeurs et dans nos pensées. Si nous avons besoin de l'assentiment, de la validation d'un tiers, nous nous sentons perpétuellement jugés. Souvent, notre manque de confiance en nous fait que nous nous plaçons systématiquement « en-dessous » des autres. Nous sommes moins ceci, moins cela (moins belle, moins beau, moins intelligent, moins intelligente, moins sportive, moins sportif, nous faisons moins bien la cuisine, etc). Et comme ce jugement (imaginaire) nous frustre ou peut même nous mettre en colère, nous entrons littéralement « en rivalité » avec celle ou celui qui nous paraît le premier objet de comparaison : l'Ex de notre amoureuse ou de notre amoureux.
Comme si pour être aimé (e), il fallait exclure tous les autres. Être l'unique. Ce sentiment de rivalité est très ancré dans notre culture occidentale. Mona Chollet, dans Réinventer l'amour, dit que notre « bonne » image de nous-mêmes dépend de « notre capacité à être choisi-e, à l'exclusion de toutes les autres femmes (page 183). Même si elle a raison d'évoquer les femmes, je crois que les hommes partagent aussi très souvent cette insécurité.
Cette nécessité d'être l'unique est très ancrée dans nos représentations
On trouve une histoire de choix exclusif dans la mythologie : le jugement de Pâris. Et ce mythe fondateur vient renforcer et justifier ce mécanisme psychologique. Homère et les Métamorphoses d'Ovide nous racontent comment s'est organisé le fameux « jugement de Pâris. » "Le jugement de Pâris produira le concours de beauté" (Mona Chollet).
L'histoire du jugement de Pâris
"Il est connu de tous que Jupiter a convié tous les dieux aux noces de Pelée et de Thétis, sauf Eris, la déesse de la discorde. Arrivant sur les lieux et ne pouvant entrer, elle lance, depuis la porte, une pomme d'or, ajoutant que cette pomme est destinée à la plus belle. Immédiatement, les déesses Minerve, Vénus et Junon se disputent le fruit. Jupiter ordonne alors à Mercure d'emmener les trois déesses sur le mont Isa, en Phrygie, afin que Pâris prononce son jugement. Junon promet à Pâris que s'il la choisit, il règnera sur l'univers et sera l'homme le plus riche du monde. Minerve, déesse de la guerre, lui promet force et vaillance guerrière, alors que Vénus, déesse de l'amour, lui promet l'amour d'Hélène, la plus belle des mortelles. C'est cette dernière que Pâris choisit, la déclarant la plus belle. Ainsi Junon et Minerve deviennent elles ennemies des Troyens. Et à l'instigation de Vénus, Pâris capturera Hélène et l'emmènera de Sparte à Troie" (Hygin, Fables, 92). ( Ce qui sera la cause de la fameuse Guerre de Troie).
Ce bain culturel est complètement inconscient, bien sûr. Mais il nous empêche parfois de croire que nous pouvons prendre notre place tout en laissant de l'espace à l'autre. Que l'on peut « être la femme de », « le mari de », l'amoureux, l'amoureuse, même si l'autre a eu un passé et des attachements qui ne peuvent être totalement rompus (si le conjoint a des enfants, par exemple). "Comme si il n'y avait pas assez de place pour nous toutes" (Mona Chollet, page 184). Comme si les qualités de l'autre annulaient les nôtres, les écrasaient. Pire, comme si ses qualités révélaient à l'être aimé tous nos défauts, par comparaison.
"En tant que femme, on est poussée à poser à la fois sur soi-même et sur les autres un regard impitoyable, hyper critique- haineux, en fait- comme s'il s'agissait de jauger la concurrence en permanence, de réévaluer sans cesse sa propre place au sein de la grande compétition pour l'attention masculine (ou pour l'attention tout court), avec un mélange d'anxiété et d'agressivité". Mona Chollet (page 185) évoque ici la posture des femmes. Mais des hommes peuvent avoir exactement le même regard sur eux-mêmes et connaître la même peur de ne pas "être à la hauteur". Avec les mêmes effets de mépris de soi et de jalousie implacable pour l'Ex de leur conjointe.
On parle de « jalousie maladive », au sens où cette passion relève effectivement de la difficulté à être soi et à s'accepter tels que nous sommes.
Comment adoucir cette peur de l' « Ex » ?
La première observation qui tombe sous le sens, c'est qu'un ou une Ex sont des Ex précisément parce qu'ils ne sont plus dans la vie de celui ou de celle que nous aimons. Si c'était si bien, pourquoi ne sont-ils plus ensemble ? Pourquoi avons-nous du mal à croire que c'est bel et bien terminé entre eux ? Quelle est la part de nous qui a peur ? Autrement dit, avons-nous cachées au fonds de nous, la peur d'être quitté -e comme l'Ex l'a été, la peur de nous engager, avec ce conjoint que l'Ex a tellement critiqué, la peur d'être un « lot de consolation », la peur de n'être qu'un passage, une transition ?
La deuxième consiste à accepter (enfin !) que nous ne vivons ni dans des contes de fées ni dans des mythes grecs. Et que le modèle du « ils se marièrent et ils eurent beaucoup d'enfants » est déchiré depuis longtemps.
Si notre conjoint a des enfants, son Ex n'est jamais loin et il vaut mieux traiter ces questions. A froid plutôt qu'après ou avant une conversation téléphonique ou une rencontre entre eux. Pourquoi ne pas partager votre insécurité et expliquer à votre conjoint que vous avez besoin d'être rassuré-e ? Pourquoi ne pas évacuer tous ces phantasmes, imaginaires, sur des qualités qu'il ou elle auraient et que vous n'auriez pas ? La seule façon de ne plus détester, ou à un moindre degré, de ne plus avoir peur, d'un ou d'une Ex, c'est de retrouver toute sa confiance en soi et toute sa confiance dans l'être aimé.
Il reste deux cas particuliers : celui dans lequel l'Ex est mort. Car il peut être totalement idéalisé. Ce qui rendra la comparaison particulièrement délicate. Et celui dans lequel votre conjoint n'a pas « fait le deuil » de sa précédente relation. Par exemple, s'il n'a pas décidé de la rupture et est encore en souffrance. Il lui sera encore très difficile d'accepter de vous laisser entrer dans sa vie. Car vous dire Oui, c'est acter que sa vie d'avant est définitivement terminée.
Et dans le cas où votre conjoint -ou conjointe (cela s'est vu) vous compare fréquemment à son Ex en soulignant régulièrement à quel point vous êtes nul-(le) par rapport à elle ou à lui, vous êtes probablement victime de violence. Et vous feriez mieux d'aller chercher de l'aide. Car si la comparaison est utilisée pour vous blesser ou pour vous rabaisser, on ne parle plus d'une relation « équilibrée ». Même si vous avez l'illusion que cela s'arrangera avec le temps.
En conclusion, quand un Ex, ou une Ex, rode autour d'une relation amoureuse, cela signifie généralement que le membre du couple qui souffre, souffre surtout du manque de place qu'il n'arrive pas à prendre ou que son conjoint ne lui laisse pas occuper. Des échanges réguliers peuvent suffire à le rassurer (à répéter sans modération). Et si cela ne suffit pas, il est urgent d'aller faire un point sur soi : sur l'image que l'on a de soi, sur l'acceptation de soi, sur nos peurs ou au contraire, sur notre capacité à nous faire confiance. Et surtout, à nous sentir aimable. Car si nous sommes aimable, qui pourrait nous enlever l'affection dont nous sommes l'objet ?
Photos : Shutterstock
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