J'ai 27 ans et je n'ai jamais grandi intellectuellement
Bonjour,
Je me permets d'écrire car je ressens une profonde honte depuis très récemment, car je me heurte à la réalité.
Depuis toujours, j'ai un besoin viscéral de me déconnecter de la réalité. J’ai une attitude toxique envers moi-même et un sentiment de malaise de rester seule trop longtemps avec moi-même. J’ai un besoin constant d’échapper à la réalité : jeux vidéos, avant de dormir de regarder en boucle et en boucle des vidéos sur YouTube… Je me suis abruti le cerveau et suis en manque constant de sommeil. J’écoutais il y a un temps abondamment de musique et ne m’imaginais pas moi dans mes histoires. Et si c’était moi ; je m’imaginais faire des choses mais que je ne faisais ensuite jamais dans le monde réel (apprendre un morceau au piano, chanter, danser…). J'ai des trous de mémoire et me rappelle pas, même si c’est avec des personnes que j’aime, de beaucoup de souvenirs que j’ai avec eux.
J’ai un cadre familial très chaleureux et dans lequel j’avais tout pour bien grandir. Dotée d'un fort caractère et d'un esprit vif selon mes parents, j'ai toujours eu je pense le sentiment que j'étais intelligente. Paradoxalement, j'avais très peu confiance en moi et n'ai jamais réussi à me projeter pour mon avenir. Tout ce qui me définissait, c'était les notes à l'école: j'apprends absolument tout par coeur, même à l'université, sans vraiment chercher à comprendre pourquoi j'apprends telle ou telle matière. J'ai un attrait fort pour les choses mais ne prends pas le temps pour les approfondir. Je m'éparpille énormément. J’ai toujours eu du mal à me faire des amitiés et à les maintenir sur le long terme. Je restais souvent dans mon coin. Mon petit ami, avec qui je suis depuis 8 ans, est celui a pris les devants pour qu’on soit ensemble. Moi, me connaissant, j’aurais été prête à ne pas m’investir et passer à côté de cette jolie histoire par peur de m’engager ou de devoir assumer des possibles sentiments que j’ai : en sommes, j’ai un sacré égo surdimensionné.
Je sens que ma vie va être fichue car je n'ai jamais pris le temps de me construire et d'oser aller affronter mes vraies "capacités" pour sortir de mon ego. J'ai choisi à la légère mes études : toutes les voies me faisaient peur et je me sentais je pense incapable au fond de moi de m'investir dans n’importe quoi. Alors que c’est normal de ne rien connaître quand on se lance. Mais moi c’était une excuse pour me dire ah non du coup je n’y arriverais jamais, ça ne vaut pas la peine. Je tiens aussi à dire que toutes les activités que j'entreprends (piano, dessin, etc...) je les abandonne vite et n'ai pas de discipline pour m’améliorer. J'ai choisi les sciences sociales car cela me donnait le sentiment que j'allais en apprendre plus sur le monde et aussi, que je me sentirais "automatiquement intelligente" en apprenant par coeur les concepts de ces cours. Aussi, que naïvement j’allais mieux « comprendre le monde ».
En apprenant tout par cœur tout le temps, finalement j’avais des bonnes notes et cela entretenait cette image positive que j’avais de moi. Et là première crise : envie d’effectuer un premier stage dans la vie professionnelle et en parallèle, finir mon travail de bachelor. Les deux ont été catastrophiques. D’une part : le travail de bachelor, j’avais le sentiment et c’est un fait, d’avoir tout oublié. Je ne savais pas comment construire un objet de recherche. Tout le long j’étais mal et j’ai mis 2 ans à le finir. Mon stage, c’était en animation à l’environnement. Ce que je faisais ? regarder les certificats de travail laissés aux précédents stagiaires pour me rendre compte que je me sentais incapables de faire ce qui était listé dans leurs tâches. Ce faisant : paralysée, n’ose pas prendre d’initiative, parlait peu. Un jour mon maître de stage m’a dit « on t’a pris initialement car tu présentais de chouettes idées » ; oui en théorie, via des vidéos que j’avais regardé rapidement. Mais ça ne venait rien de concret de ma part.
Après ; le master. C’est comme si ces signaux qui auraient dû m’alerter s’étaient envolés automatiquement. C’est un nouveau départ ! et surtout, on pourrait se dire qu’il est important de bien choisir pour la suite. Malgré des rendez-vous chez une conseillère en orientation : j’ai fait surtout le choix de rester dans mon domaine et aller en administration publique alors que, c’était pas des cours qui m’intéressaient plus que ça… Mais idem ; voie la plus simple à prendre et ça repousse mon problème et me permets de vivre ma petite vie idyllique pendant encore un moment ! Je voyais un psy et du jour au lendemain j’ai arrêté.
Même schéma : bonnes notes, maintien d’une hygiène de vie bof mais ce petit équilibre et sentiment de contrôle me suffisait largement. Et ensuite vient la même histoire ; trouver un stage. En 2023, j'ai enchaîné 3 stages en 1 année car les premiers je les jugeaient peu "fructuant intellectuellement" et j'avais peur de ne pas être assez ambitieuse. Je me suis dit "les autres y arrivent, moi aussi il n'y a pas de raison et j'ai des bonnes notes" et inconsciemment que pareil, la "science infuse" me viendra naturellement par le stage alors que l'effort doit venir de moi. Les 3 premiers mois c'était effroyable: j'enregistrais toutes les conversations que j’avais avec mon maître de stage sur les travaux que j’avais à faire, comme ça lors de la rédaction de rendu je peux m'appuyer sur ce que lui dit. Je n'avais aucune soirée à moi. Les simples PV de réunion, j'étais mega fière de moi d'arriver à synthétiser ce qui était dit et prends encore un temps fou à les faire. Je suis incapable de développer ma pensée propre sur des sujets, de m'organiser dans mes tâches. J’ai besoin qu’on me dise quoi faire. Même un simple résumé sur un sujet sur lequel je suis sensée travailler depuis 4 mois: j'étais pas capable de le faire et il a du presque me dire comme le rédiger. Une simple rencontre à organiser: ça me fait tourner de la tête et même pour le choix d'une date à insérer dans un Doodle je vais vers mon chef pour que lui me donne les dates ainsi je n'ai pas à y réfléchir moi. Quand je dois contacter quelqu’un par email : je repoussais et oubliais même que je devais le faire. À l’issue de ma période d’essai de 3 mois du coup, j’étais « parfaite » comme je le souhaitais, mais un tel rythme et imposture ne pouvait pas continuer à ce point… Je crois que j’aime l’idée d’enchaîner des petites victoires. Mais n’ai aucune volonté de prolonger l’effort plus longtemps. Aujourd’hui : j’enchaîne les bourdes, n’arrive pas à respecter les délais, je ne sais même pas quand et comment poser les vacances, j’accepte un peu les tâches sur n’importe quel sujet mais ne suis jamais sûre de comment les réaliser… et après je regrette et réalise ce que cela exigeait réellement.
Même un simple apéro à organiser, j'étais dans tous mes états et j'ai prétexté devoir préparer ma défense de rapport de stage pour ne pas avoir à aider. Mes collègues, quand ils me demandent mes hobbys, je suis en incapacité de répondre sans devoir recourir au mensonge ou en exagérant. A la moindre difficulté, comme lors de la rédaction de mon rapport de stage de master: j'imaginais des scénarios où ma prof et ma maître de stage allaient me défoncer, que ce sujet c'était pas de ma faute mais de la leur de ne pas avoir été assez claire. Plutôt que d'avouer l'échec ou tenter d’avancer correctement le travail, j'appelais des lignes d'urgence psychologique. Alors que: j'ai clairement bâclé ce travail, j'ai pas osé dire que le sujet était problématique pour moi au départ et ai voulu croire que j’allais m’en sortir. Tout ce que j’ai fait : j’ai simplement repris des outils existants déjà en faisant des commentaires peu utiles à ce sujet. En plus lors de la soutenance, je sentais que j'étais hors de mon corps: je parlais mais même moi je ne savais pas ce que je racontais. Je savais que c'était mauvais et que je noyais le poisson. Pourtant ma professeure et maitre de stage ont été très gentille et n'ont posé aucune question mais juste; que le travail était bien structuré. Je me suis sentie bête : tout un cinéma pour ça. Et vraiment ce travail je l’ai torché, alors que je souhaitais bien faire au départ.
Je suis en train de sortir d'une énorme phase de déni. La fille timide qui se valorisait en mode "j'ai un passé d'anxiété mais wow j'ai fait du chemin" n'est qu'une illusion. Je me crée une histoire dans ma tête de quelqu’un qui n’existe pas. J'assure que je ne sais rien et quand on me demande mon avis, peu importe le sujet, je suis confuse. Je ne sais plus ce que je suis "sensée" savoir ou non. Je me suis mentie pendant beaucoup trop d'années. Je repousse tout, même des choses agréables comme des possibles hobbys, à plus tard constamment. Maintenant quand je suis entourée de personnes, je n'arrive plus à prendre la parole. Ce que je pensais être vrai de moi est faux. Quand je contacte mes proches, c'est juste pour faire part de ma détresse mentale. En bref, je suis devenue un être humain lamentable.
J'ai foncé tête baissée et je ne me vois aucun avenir. Mon intellect, c'est comme si je venais de finir le lycée. Je me sens en décalage avec tout le monde et tout ce que je veux faire, c’est de rentrer chez mes parents. De rester dans les bras de mon copain. Comme un enfant.
Je vais voir un psychothérapeute en TCC prochainement car le fait que je me sois auto-persuadée moi-même à ce point, c'est effrayant. Et faire face à cette réalité, c'est trop violent. Je ne fais que de ressasser. Je reste assise à me parler toute seule parfois pendant des heures pour décortiquer ce que j’ai fait toutes ces années. Le matin je n’arrive pas à me lever. Si je me relève un jour, je n'y arriverais pas tout de seule. J'ai des idées noires, mais évidemment comme pour tout le reste, je suis trop lâche pour y mettre l'effort de planifier l'acte (et je le vois au fond sincèrement plutôt comme un moyen... d'attirer l'attention sur ma détresse et que quelqu'un vienne me sauver).
Merci pour votre lecture et je ne sais pas si je cherche à ce qu'on me confirme que je suis une mauvaise personne (ce qui de façon morbide me conforterait presque?) ou non, en bref j'ai 27 ans mais je suis encore et toujours une enfant perdue dans la vie qui sait à peine entreprendre une hygiène de vie stable. Tout ce que j'essaie de me construire, je me démotive et je le détruis. Je ne sais pas faire face à une situation demandant de l’effort et ne sais pas fonctionner en société je crois. J’ai pourtant un master en poche et au fond de moi je désire ne jamais l’avoir eu, je veux tout recommencer à zéro. Tester des domaines d’activités. Mais là, je ne sais plus qui je suis, je me dégoûte de voir ce que je suis capable de faire pour juste avoir des « petites victoires ».