Dérives sectaires : les 6 stades de l’emprise mentale
Ces cinq dernières années, les signalements de dérives sectaires ont augmenté de 83% en France. Les personnes victimes ne sont pas naïves mais bien manipulées ! Comment reconnaître les mécanismes de l'emprise mentale ?
La Miviludes (Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) définie la dérive sectaire, sur la base des milliers de signalements qu'elle reçoit par an (4020 saisines en 2021), comme un "dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de religion qui porte atteinte à l'ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l'intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre (...) de pression ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d'exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant de son libre arbitre (...)."
Signes d'un risque de dérive sectaire
Faisceau d'indices facilitant la caractérisation d'un risque de dérive sectaire :
- La déstabilisation mentale
- Le caractère exorbitant des exigences financières
- La rupture avec l'environnement d'origine
- L'existence d'atteintes à l'intégrité physique
- L'embrigadement des enfants
- Le discours antisocial
- Les troubles à l'ordre public
- L'importance des démêlés judiciaires
- L'éventuel détournement des circuits économiques traditionnels
- Les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics.
Comme le rappelle Payet (2013), une personne sous emprise lâche prise, tout simplement. Elle se dépouille, sous l'effet de l'influence d'une personne ou d'un groupe organisé, par bribes, par secteurs, tout ou partie des éléments qui constituent son identité : son corps, sa vie psychique et affective, sa vie sociale et relationnelle, ses biens, ses valeurs, ses références culturelles, son nom,... Cette chute peut sembler infinie.
Pour C. Roos (dans Payet, 2013), l'emprise se caractérise par l'influence qu'à l'instigateur sur sa victime, à l'insu de celle-ci. Car bien sûr, les agresseurs et les mouvements à dérives sectaires ne se présentent en aucun cas comme tels dès le départ. Ils usent de charmes, de promesses, semblent charismatiques mais humbles, et font d'ailleurs souvent référence au libre arbitre. Comme Dracula qui laisse les portes de son château toujours grandes ouvertes, l'enfermement psychologique n'a besoin ni de grilles, ni de portes. La vampirisation progressive, de façon plus ou moins explicite ou avouée, vise la neutralisation du désir de la personne.
Comment déceler l'influence sectaire dans le comportement d'un proche ?
Certains des signes qui peuvent indiquer l'influence d'une secte sont les suivants :
- Adoption d'un langage propre au groupe
- Modification des habitudes alimentaires ou vestimentaires
- Refus de soins ou arrêt des traitements médicaux régulièrement prescrits
- Situation de rupture avec la famille ou le milieu social et professionnel
- Engagement exclusif pour le groupe
- Soumission absolue, dévouement total aux dirigeants
- Perte d'esprit critique
- Réponse stéréotypée à toutes les interrogations existentielles.
- Embrigadement des enfants
- Existence d'atteintes à l'intégrité physique ou psychique
- Manque de sommeil
Bien entendu, les personnes adeptes de sectes ne perçoivent pas l'expérience de décervelage, mais témoignent au contraire d'une expérience collective, vécue intensément, de découverte, d'apprentissage de techniques à visée souvent thérapeutique, et de l'intensité d'une sorte de lien social inattendu.
La recherche menée par Tobie Nathan et Jean-Luc Swertvaegher (2003), incluant une centaine de personnes sortant de groupes sectaires ou victimes de thérapies abusives, met à jour quelques mécanismes en jeu dans leurs expériences d'emprise. Loin des préjugés concernant la "faiblesse", ou la "perdition" des personnes victimes d'emprise mentale, les témoignages montrent davantage que s'engager dans une secte découle d'une tension intérieure ressentie durant des années et qui mène les personnes à une exploration de systèmes thérapeutiques ayant parfois surgi par hasard dans leur environnement.
C'est la curiosité, la volonté d'acquérir l'expertise d'univers alternatifs, allant des pratiques spirituelles à la pseudo-thérapie en passant par la nutrition, le sport, l'éducation, le développement personnel... aucun domaine n'est tout à fait épargné. Ce qui est commun est une volonté d'accéder à un monde nouveau, à un être soi-inconnu. Et c'est d'ailleurs là que vient se loger la véritable promesse d'initiation "au sens fort du terme" comme le spécifient les auteurs : "une proposition de métamorphose radicale, laissant miroiter à l'impétrant tant la guérison de ses souffrances que l'accès à un espace hors du commun" (2003).
Les 6 stades de l'emprise mentale
- Stade 1. Stade du charme : Le charme peut ne pas opérer dès le début, et la personne visée peut à ce stade encore douter fortement. Mais des expériences positives affectives et émotionnelles viennent faire sens dans sa vie, restent actives en mémoire. Souvent caractérisé par du love bombing, ou par une promesse déjà énoncée, le processus d'endormissement de la vigilance est déjà en marche.
- Stade 2. Le pacte : Par un vice de consentement, la personne est entraînée dans une spirale : manipulée, elle accepte des choses qu'elle n'aurait pas accepté en d'autres circonstances. Mais en vertu du stade 1, la personne s'engage dans une relation, un groupe qui le contrôle déjà, l'esprit critique s'endort.
- Stade 3. L'enfermement : Il devient difficile de discerner le vrai du faux pour la personne. L'identité s'est modifiée sur plusieurs facettes. La personne défend celui ou ceux qui la contrôlent. Réduit sa dissonance cognitive en rationalisant : "Oui, mais c'est parce que…". Assujettie, la personne participe à son propre isolement social en réduisant ses relations à celles qui ne critiquent pas ses choix.
- Stade 4. L'empêchement : La personne commence à remettre en question ses convictions. Souvent par la découverte d'un fait ou d'une information qui vient contredire massivement les principes fondamentaux ou la morale du groupe. Mais la personne ne peut pas partir pour autant car elle culpabilise, a peur des conséquences, a trop investi pour tout quitter comme ça. À ce stade, la dissonance cognitive, c'est-à-dire le conflit interne concernant les systèmes de croyances, comportements et émotions, peut provoquer une confusion mentale, des angoisses, un sentiment d'impuissance majeure et de honte. Attention aux conduites suicidaires à ce stade.
- Stade 5. Le stade transitoire : La personne trouve la force de réagir et commence à se détacher. Parfois la personne interprète le manque ressenti consécutivement à l'éloignement du groupe par de l'amour et revient dans l'espoir de revivre l'enchantement du stade 1. Les liens d'emprise peuvent être resserrés en cas de fuite et de retour. Mais la personne a expérimenté l'éloignement et ses bienfaits.
- Stade 6. Le stade du départ : La personne a réussi à s'en aller. Le sentiment de libération peut cohabiter avec une emprise toujours active. Par secteurs, fragments, la personne réalise ce qu'elle a subi, et peut être envahie par des souvenirs traumatiques. La colère peut émerger, et peut être salvatrice. Il s'agit du dernier stade avant la sortie de l'emprise, le détachement affectif et la réparation. La personne doit alors retrouver son identité et réapprendre à être elle-même, à vivre sans lui -elle -eux.
Quel accompagnement pour les victimes d'emprise mentale ?
Comment sortir d'une impasse qui broie les bases identitaires, attaque les liens d'appartenance et d'attachement, brouille l'image du corps et le rapport au langage ? Comment accompagner les victimes d'emprise et les aider à échapper à la spirale de cette forme de violence ? Différentes étapes ponctuent l'accompagnement qui leur est offert :
- admettre la réalité des faits,
- nommer les responsables et les responsabilités,
- prendre conscience de l'impact sur les personnes,
- reconnaître le rôle de la Loi,
- envisager qu'une aide psychothérapeutique puisse être une réponse.
Payet (2013) rappelle que surtout être capable de dénoncer, c'est déjà retrouver une part de sa subjectivité ; et que se plaindre c'est renouer avec soi-même. C'est en nommant le coupable et en dévoilant ses souffrances que la victime redevient peu à peu maître de son existence. Par ailleurs, lorsqu'il devient difficile de trouver appui pour distinguer le vrai du faux, le vraisemblable du faux-semblants, pour asseoir une assurance en son propre jugement, des outils existent tels que l'application de l'esprit critique, le doute méthodique et le questionnement de ses propres mécanismes de penser (la métacognition).
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Bonjour J’ai subit une conspiration politique J’ai dénoncé les coupables Un procès où je suis victime Psychologiquement c’est vraiment très dure éloigné de mes enfants perte de ma compagne qui était de connivence Seul face à l’état
Engagement exclusif pour le groupe, rupture avec la famille, changement d’habitudes alimentaires et vestimentaires, discours stéréotypé et jargonnant, certitude de devoir changer le monde… Ces signes sont fréquents dans le militantisme politique ou autre. Comment différencier objectivement un endoctrinement d’un libre choix idéologique ? Si la personne va mal, au lieu de s’épanouir dans un mode de vie en accord avec ses convictions, c’est peut-être qu’elle est sous emprise, mais ça peut aussi venir d’autre chose… comment savoir ? Et si on est sûr qu’elle a été endoctrinée, que faire ?