Sauver l'esprit de l'Homme

Lorsque nous sommes conviés à sauver les océans des rejets plastiques, nettoyer le ciel et les pentes des montagnes de nos détritus, tout comme les sous-sol de nos déchets nucléaires,

n'avons-nous pas oublié une espèce vivante en grand danger ??

Le roi des animaux, le lion, ou la belle panthère des neiges, récemment célébrée par l'écrivain Sylvain Tesson, les grues cendrées ou les mésanges bleues,

ces bêtes sont-elles les seules à se raréfier, à souffrir de malnutrition, à perdre leur âme native ?

l'Homme ne devrait-il pas compter parmi les espèces en voie de disparition, non seulement en raison des pesticides qui se mélangent à son corps, de l'obligation de migrer quand sa terre natale devient trop sujette aux catastrophes,

mais aussi en raison de la dégradation de son esprit ??

Ne devrait-on pas prendre soin de ce que devient notre esprit, à mesure que la création devient déboussolée ?

Sommes-nous indemnes, quand il n'y a plus ni jour ni nuit sur nos écrans, quand notre langage s'appauvrit, et quand notre esprit se désole au lieu de combattre, en cas d'épreuve ?

L'esprit humain, aujourd'hui doté d'une Intelligence artificielle et d'une réalité augmentée, acquiert-il ainsi la taille d'un petit pois ?

La vie des profondeurs de l'esprit, celle des rêves, des rêveries des poètes, n'exerce plus l'attraction de naguère. Une autre logique y préside, que prisait tant Marcel Proust en y reconnaissant l'empire des " visions ", au rebours de la " technique ".

Savoir que l'Homme se détourne de sa propre Nature, du propre océan de son imagination, de la terre de sa créativité et du ciel de ses représentations,

savoir cela et ne rien faire veut dire ne pas porter secours à une espèce en péril, ne pas avoir reconnu que la première alerte concerne l'esprit de l'homme lui-même.

Et comment est-ce possible ? C'est possible parce qu'il est étrange de vouloir porter secours à l'espèce même qui abîme la Nature !

Or, non seulement il est souhaitable de solliciter notre vigilance pour cela, mais encore il s'agit, par une opération psychique sophistiquée mais vertueuse,

de s'apercevoir que nous sommes engagés dans une auto-destruction, qui commence non par le monde concret mais par le monde abstrait.

C'est avec notre esprit que nous gouvernons le monde, avec notre esprit que nous le détruisons, avec lui que nous abolissons la conscience de nous-mêmes.

Notre Quartier Général, c'est l'esprit. Nous devons donc accroître notre largeur de vues, étendre notre lucidité, ne pas refuser tout ce qui peut le faire changer et se détourner de cette pente fatale.

En nous engageant dans la thérapie de nos maux individuels, nous accédons à la conscience du monde.

Soigner l'esprit, c'est mieux que sauver une bibliothèque qui brûle, c'est magnifier l'humanité qui nous reste.

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